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Read books online » Fiction » L'île mystérieuse by Jules Verne (easy to read books for adults list TXT) 📖

Book online «L'île mystérieuse by Jules Verne (easy to read books for adults list TXT) 📖». Author Jules Verne



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centrales de l'Amérique méridionale et de l'Afrique deviendront les continents habités par excellence. Les Lapons et les Samoyèdes retrouveront les conditions climatériques de la mer polaire sur les rivages de la Méditerranée. Qui nous dit, qu'à cette époque, les régions équatoriales ne seront pas trop petites pour contenir l'humanité terrestre et la nourrir? Or, pourquoi la prévoyante nature, afin de donner refuge à toute l'émigration végétale et animale, ne jetterait-elle pas, dès à présent, sous l'équateur, les bases d'un continent nouveau, et n'aurait-elle pas chargé les infusoires de le construire? J'ai souvent réfléchi à toutes ces choses, mes amis, et je crois sérieusement que l'aspect de notre globe sera un jour complètement transformé, que, par suite de l'exhaussement de nouveaux continents, les mers couvriront les anciens, et que, dans les siècles futurs, des Colombs iront découvrir les îles du Chimboraço, de l'Himalaya ou du mont Blanc, restes d'une Amérique, d'une Asie et d'une Europe englouties. Puis enfin, ces nouveaux continents, à leur tour, deviendront eux-mêmes inhabitables; la chaleur s'éteindra comme la chaleur d'un corps que l'âme vient d'abandonner, et la vie disparaîtra, sinon définitivement du globe, au moins momentanément. Peut-être, alors, notre sphéroïde se reposera-t-il, se refera-t-il dans la mort pour ressusciter un jour dans des conditions supérieures! Mais tout cela, mes amis, c'est le secret de l'Auteur de toutes choses, et, à propos du travail des infusoires, je me suis laissé entraîner un peu loin peut-être à scruter les secrets de l'avenir.

— Mon cher Cyrus, répondit Gédéon Spilett, ces théories sont pour moi des prophéties, et elles s'accompliront un jour.

— C'est le secret de Dieu, dit l'ingénieur.

— Tout cela est bel et bien, dit alors Pencroff, qui avait écouté de toutes ses oreilles, mais m'apprendrez-vous, monsieur Cyrus, si l'île Lincoln a été construite par vos infusoires?

— Non, répondit Cyrus Smith, elle est purement d'origine volcanique.

— Alors, elle disparaîtra un jour?

— C'est probable.

— J'espère bien que nous n'y serons plus.

— Non, rassurez-vous, Pencroff, nous n'y serons plus, puisque nous n'avons aucune envie d'y mourir et que nous finirons peut-être par nous en tirer.

— En attendant, répondit Gédéon Spilett, installons-nous comme pour l'éternité. Il ne faut jamais rien faire à demi.»

Ceci finit la conversation. Le déjeuner était terminé. L'exploration fut reprise, et les colons arrivèrent à la limite où commençait la région marécageuse.

C'était bien un marais, dont l'étendue, jusqu'à cette côte arrondie qui terminait l'île au sud-est, pouvait mesurer vingt milles carrés. Le sol était formé d'un limon argilo-siliceux, mêlé de nombreux débris de végétaux. Des conferves, des joncs, des carex, des scirpes, çà et là quelques couches d'herbages, épais comme une grosse moquette, le recouvraient. Quelques mares glacées scintillaient en maint endroit sous les rayons solaires. Ni les pluies, ni aucune rivière, gonflée par une crue subite, n'avaient pu former ces réserves d'eau. On en devait naturellement conclure que ce marécage était alimenté par les infiltrations du sol, et cela était en effet. Il était même à craindre que l'air ne s'y chargeât, pendant les chaleurs, de ces miasmes qui engendrent les fièvres paludéennes. Au-dessus des herbes aquatiques, à la surface des eaux stagnantes, voltigeait un monde d'oiseaux.

Chasseurs au marais et huttiers de profession n'auraient pu y perdre un seul coup de fusil.

Canards sauvages, pilets, sarcelles, bécassines y vivaient par bandes, et ces volatiles peu craintifs se laissaient facilement approcher. Un coup de fusil à plomb eût certainement atteint quelques douzaines de ces oiseaux, tant leurs rangs étaient pressés. Il fallut se contenter de les frapper à coups de flèche. Le résultat fut moindre, mais la flèche silencieuse eut l'avantage de ne point effrayer ces volatiles, que la détonation d'une arme à feu aurait dissipés à tous les coins du marécage. Les chasseurs se contentèrent donc, pour cette fois, d'une douzaine de canards, blancs de corps avec ceinture cannelle, tête verte, aile noire, blanche et rousse, bec aplati, qu'Harbert reconnut pour des «tadornes.»

Top concourut adroitement à la capture de ces volatiles, dont le nom fut donné à cette partie marécageuse de l'île. Les colons avaient donc là une abondante réserve de gibier aquatique. Le temps venu, il ne s'agirait plus que de l'exploiter convenablement, et il était probable que plusieurs espèces de ces oiseaux pourraient être, sinon domestiqués, du moins acclimatés aux environs du lac, ce qui les mettrait plus directement sous la main des consommateurs.

Vers cinq heures du soir, Cyrus Smith et ses compagnons reprirent le chemin de leur demeure, en traversant le marais des Tadornes (Tadorn's-fens), et ils repassèrent la Mercy sur le pont de glaces.

À huit heures du soir, tous étaient rentrés à Granite-House.

CHAPITRE XXII

Ces froids intenses durèrent jusqu'au 15 août, sans dépasser toutefois ce maximum de degrés Fahrenheit observé jusqu'alors. Quand l'atmosphère était calme, cette basse température se supportait facilement; mais quand la bise soufflait, cela semblait dur à des gens insuffisamment vêtus. Pencroff en était à regretter que l'île Lincoln ne donnât pas asile à quelques familles d'ours, plutôt qu'à ces renards ou à ces phoques, dont la fourrure laissait à désirer.

«Les ours, disait-il, sont généralement bien habillés, et je ne demanderais pas mieux que de leur emprunter pour l'hiver la chaude capote qu'ils ont sur le corps.

— Mais, répondait Nab en riant, peut-être ces ours ne consentiraient-ils pas, Pencroff, à te donner leur capote. Ce ne sont point des Saint-Martin, ces bêtes-là!

— On les y obligerait, Nab, on les y obligerait», répliquait Pencroff d'un ton tout à fait autoritaire. Mais ces formidables carnassiers n'existaient point dans l'île, ou, du moins, ils ne s'étaient pas montrés jusqu'alors.

Toutefois, Harbert, Pencroff et le reporter s'occupèrent d'établir des trappes sur le plateau de Grande-vue et aux abords de la forêt. Suivant l'opinion du marin, tout animal, quel qu'il fût, serait de bonne prise, et rongeurs ou carnassiers qui étrenneraient les nouveaux pièges seraient bien reçus à Granite-House.

Ces trappes furent, d'ailleurs, extrêmement simples: des fosses creusées dans le sol, au-dessus un plafonnage de branches et d'herbes, qui en dissimulait l'orifice, au fond quelque appât dont l'odeur pouvait attirer les animaux, et ce fut tout. Il faut dire aussi qu'elles n'avaient point été creusées au hasard, mais à certains endroits où des empreintes plus nombreuses indiquaient de fréquentes passées de quadrupèdes. Tous les jours, elles étaient visitées, et, à trois reprises, pendant les premiers jours, on y trouva des échantillons de ces culpeux qui avaient été vus déjà sur la rive droite de la Mercy.

«Ah çà! il n'y a donc que des renards dans ce pays-ci! s'écria Pencroff, la troisième fois qu'il retira un de ces animaux de la fosse où il se tenait fort penaud. Des bêtes qui ne sont bonnes à rien!

— Mais si, dit Gédéon Spilett. Elles sont bonnes à quelque chose!

— Et à quoi donc?

— À faire des appâts pour en attirer d'autres!»

Le reporter avait raison, et les trappes furent dès lors amorcées avec ces cadavres de renards.

Le marin avait également fabriqué des collets en employant les fibres du curry-jonc, et les collets donnèrent plus de profit que les trappes. Il était rare qu'un jour se passât sans que quelque lapin de la garenne se laissât prendre. C'était toujours du lapin, mais Nab savait varier ses sauces, et les convives ne songeaient pas à se plaindre.

Cependant, une ou deux fois, dans la seconde semaine d'août, les trappes livrèrent aux chasseurs des animaux autres que des culpeux, et plus utiles. Ce furent quelques-uns de ces sangliers qui avaient été déjà signalés au nord du lac. Pencroff n'eut pas besoin de demander si ces bêtes-là étaient comestibles. Cela se voyait bien, à leur ressemblance avec le cochon d'Amérique ou d'Europe.

«Mais ce ne sont point des cochons, lui dit Harbert, je t'en préviens, Pencroff.

— Mon garçon, répondit le marin, en se penchant sur la trappe, et en retirant par le petit appendice qui lui servait de queue un de ces représentants de la famille des suilliens, laissez-moi croire que ce sont des cochons!

— Et pourquoi?

— Parce que cela me fait plaisir!

— Tu aimes donc bien le cochon, Pencroff?

— J'aime beaucoup le cochon, répondit le marin, surtout pour ses pieds, et s'il en avait huit au lieu de quatre, je l'aimerais deux fois davantage!»

Quant aux animaux en question, c'étaient des pécaris appartenant à l'un des quatre genres que compte la famille, et ils étaient même de l'espèce des «tajassous», reconnaissables à leur couleur foncée et dépourvus de ces longues canines qui arment la bouche de leurs congénères. Ces pécaris vivent ordinairement par troupes, et il était probable qu'ils abondaient dans les parties boisées de l'île. En tout cas, ils étaient mangeables de la tête aux pieds, et Pencroff ne leur en demandait pas plus.

Vers le 15 août, l'état atmosphérique se modifia subitement par une saute de vent dans le nord-ouest.

La température remonta de quelques degrés, et les vapeurs accumulées dans l'air ne tardèrent pas à se résoudre en neige. Toute l'île se couvrit d'une couche blanche, et se montra à ses habitants sous un aspect nouveau. Cette neige tomba abondamment pendant plusieurs jours, et son épaisseur atteignit bientôt deux pieds.

Le vent fraîchit bientôt avec une extrême violence, et, du haut de Granite-House, on entendait la mer gronder sur les récifs. À certains angles, il se faisait de rapides remous d'air, et la neige, s'y formant en hautes colonnes tournantes, ressemblait à ces trombes liquides qui pirouettent sur leur base, et que les bâtiments attaquent à coups de canon.

Toutefois, l'ouragan, venant du nord-ouest, prenait l'île à revers, et l'orientation de Granite-House la préservait d'un assaut direct. Mais, au milieu de ce chasse-neige, aussi terrible que s'il se fût produit sur quelque contrée polaire, ni Cyrus Smith, ni ses compagnons ne purent, malgré leur envie, s'aventurer au dehors, et ils restèrent renfermés pendant cinq jours, du 20 au 25 août. On entendait la tempête rugir dans les bois du Jacamar, qui devaient en pâtir. Bien des arbres seraient déracinés, sans doute, mais Pencroff s'en consolait en songeant qu'il n'aurait pas la peine de les abattre.

«Le vent se fait bûcheron, laissons-le faire», répétait-il.

Et, d'ailleurs, il n'y aurait eu aucun moyen de l'en empêcher.

Combien les hôtes de Granite-House durent alors remercier le ciel de leur avoir ménagé cette solide et inébranlable retraite! Cyrus Smith avait bien sa légitime part dans les remerciements, mais enfin, c'était la nature qui avait creusé cette vaste caverne, et il n'avait fait que la découvrir. Là, tous étaient en sûreté, et les coups de la tempête ne pouvaient les atteindre. S'ils eussent construit sur le plateau de Grande-vue une maison de briques et de bois, elle n'aurait certainement pas résisté aux fureurs de cet ouragan. Quant aux Cheminées, rien qu'au fracas des lames qui se faisait entendre avec tant de force, on devait croire qu'elles étaient absolument inhabitables, car la mer, passant par-dessus l'îlot, devait les battre avec rage. Mais ici, à Granite-House, au milieu de ce massif, contre lequel n'avaient prise ni l'eau ni l'air, rien à craindre.

Pendant ces quelques jours de séquestration, les colons ne restèrent pas inactifs. Le bois, débité en planches, ne manquait pas dans le magasin, et, peu à peu, on compléta le mobilier, en tables et en chaises, solides à coup sûr, car la matière n'y fut pas épargnée. Ces meubles, un peu lourds, justifiaient mal leur nom, qui fait de leur mobilité une condition essentielle, mais ils firent l'orgueil de Nab et de Pencroff, qui ne les auraient pas changés contre des meubles de Boule.

Puis, les menuisiers devinrent vanniers, et ils ne réussirent pas mal dans cette nouvelle fabrication. On avait découvert, vers cette pointe que le lac projetait au nord, une féconde oseraie, où poussaient en grand nombre des osiers-pourpres. Avant la saison des pluies, Pencroff et Harbert avaient moissonné ces utiles arbustes, et leurs branches, bien séparées alors, pouvaient être efficacement employées. Les premiers essais furent informes, mais, grâce à l'adresse et à l'intelligence des ouvriers, se consultant, se rappelant les modèles qu'ils avaient vus, rivalisant entre eux, des paniers et des corbeilles de diverses grandeurs accrurent bientôt le matériel de la colonie. Le magasin en fut pourvu, et Nab enferma dans des corbeilles spéciales ses récoltes de rhizomes, d'amandes de pin-pignon et de racines de dragonnier.

Pendant la dernière semaine de ce mois d'août, le temps se modifia encore une fois. La température baissa un peu, et la tempête se calma. Les colons s'élancèrent au dehors. Il y avait certainement deux pieds de neige sur la grève, mais, à la surface de cette neige durcie, on pouvait marcher sans trop de peine. Cyrus Smith et ses compagnons montèrent sur le plateau de Grande-vue. Quel changement! Ces bois, qu'ils avaient laissés verdoyants, surtout dans la partie voisine où dominaient les conifères, disparaissaient alors sous une couleur uniforme. Tout était blanc, depuis le sommet du mont Franklin jusqu'au littoral, les forêts, la prairie, le lac, la rivière, les grèves.

L'eau de la Mercy courait sous une voûte de glace qui, à chaque flux et reflux, faisait débâcle et se brisait avec fracas. De nombreux oiseaux voletaient à la surface solide du lac, canards et bécassines, pilets et guillemots. Il y en avait des milliers. Les rocs entre lesquels se déversait la cascade à la lisière du plateau étaient hérissés de glaces. On eût dit que l'eau s'échappait d'une monstrueuse gargouille fouillée avec

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