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Read books online » Fiction » L'île mystérieuse by Jules Verne (easy to read books for adults list TXT) 📖

Book online «L'île mystérieuse by Jules Verne (easy to read books for adults list TXT) 📖». Author Jules Verne



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ses yeux.

Cyrus Smith regardait en silence.

«Eh bien, Monsieur Cyrus, demanda Pencroff, que dites-vous de notre bateau?

— Il paraît se bien comporter, répondit l'ingénieur.

— Bon! Et croyez-vous, à présent, qu'il pourrait entreprendre un voyage de quelque durée?

— Quel voyage, Pencroff?

— Celui de l'île Tabor, par exemple?

— Mon ami, répondit Cyrus Smith, je crois que, dans un cas pressant, il ne faudrait pas hésiter à se confier au Bonadventure, même pour une traversée plus longue; mais, vous le savez, je vous verrais partir avec peine pour l'île Tabor, puisque rien ne vous oblige à y aller.

— On aime à connaître ses voisins, répondit Pencroff, qui s'entêtait dans son idée. L'île Tabor, c'est notre voisine, et c'est la seule! La politesse veut qu'on aille, au moins, lui faire une visite!

— Diable! fit Gédéon Spilett, notre ami Pencroff est à cheval sur les convenances!

— Je ne suis à cheval sur rien du tout, riposta le marin, que l'opposition de l'ingénieur vexait un peu, mais qui n'aurait pas voulu lui causer quelque peine.

— Songez, Pencroff, répondit Cyrus Smith, que vous ne pouvez aller seul à l'île Tabor.

— Un compagnon me suffira.

— Soit, répondit l'ingénieur. C'est donc de deux colons sur cinq que vous risquez de priver la colonie de l'île Lincoln?

— Sur six! répondit Pencroff. Vous oubliez Jup.

— Sur sept! ajouta Nab. Top en vaut bien un autre!

— Il n'y a pas de risque, Monsieur Cyrus, reprit Pencroff.

— C'est possible, Pencroff; mais, je vous le répète, c'est s'exposer sans nécessité!»

L'entêté marin ne répondit pas et laissa tomber la conversation, bien décidé à la reprendre. Mais il ne se doutait guère qu'un incident allait lui venir en aide et changer en une œuvre d'humanité ce qui n'était qu'un caprice, discutable après tout. En effet, après s'être tenu au large, le Bonadventure venait de se rapprocher de la côte, en se dirigeant vers le port Ballon. Il était important de vérifier les passes ménagées entre les bancs de sable et les récifs, pour les baliser au besoin, puisque cette petite crique devait être le port d'attache du bateau.

On n'était plus qu'à un demi-mille de la côte, et il avait fallu louvoyer pour gagner contre le vent. La vitesse du Bonadventure n'était que très modérée alors, parce que la brise, en partie arrêtée par la haute terre, gonflait à peine ses voiles, et la mer, unie comme une glace, ne se ridait qu'au souffle des risées qui passaient capricieusement.

Harbert se tenait à l'avant, afin d'indiquer la route à suivre au milieu des passes, lorsqu'il s'écria tout d'un coup:

«Lofe, Pencroff, lofe.

— Qu'est-ce qu'il y a? répondit le marin en se levant. Une roche?

— Non... attends, dit Harbert... je ne vois pas bien... lofe encore... bon... arrive un peu...»

Et ce disant, Harbert, couché le long du bord, plongea rapidement son bras dans l'eau et se releva en disant:

«Une bouteille!»

Il tenait à la main une bouteille fermée, qu'il venait de saisir à quelques encablures de la côte.

Cyrus Smith prit la bouteille. Sans dire un seul mot, il en fit sauter le bouchon, et il tira un papier humide, sur lequel se lisaient ces mots:

Naufragé... île Tabor: 153 degrés o. long — 37 degrés 11 lat. s.

CHAPITRE XIII

«Un naufragé! s'écria Pencroff, abandonné à quelques cents milles de nous sur cette île Tabor! Ah! Monsieur Cyrus, vous ne vous opposerez plus maintenant à mon projet de voyage!

— Non, Pencroff, répondit Cyrus Smith, et vous partirez le plus tôt possible.

— Dès demain?

— Dès demain.»

L'ingénieur tenait à la main le papier qu'il avait retiré de la bouteille. Il le médita pendant quelques instants, puis, reprenant la parole:

«De ce document, mes amis, dit-il, de la forme même dans laquelle il est conçu, on doit d'abord conclure ceci: c'est, premièrement, que le naufragé de l'île Tabor est un homme ayant des connaissances assez avancées en marine, puisqu'il donne la latitude et la longitude de l'île, conformes à celles que nous avons trouvées, et jusqu'à une minute d'approximation; secondement, qu'il est anglais ou américain, puisque le document est écrit en langue anglaise.

— Ceci est parfaitement logique, répondit Gédéon Spilett, et la présence de ce naufragé explique l'arrivée de la caisse sur les rivages de l'île. Il y a eu naufrage, puisqu'il y a un naufragé. Quant à ce dernier, quel qu'il soit, il est heureux pour lui que Pencroff ait eu l'idée de construire ce bateau et de l'essayer aujourd'hui même, car, un jour de retard, et cette bouteille pouvait se briser sur les récifs.

— En effet, dit Harbert, c'est une chance heureuse que le Bonadventure ait passé là, précisément quand cette bouteille flottait encore!

— Et cela ne vous semble pas bizarre? demanda Cyrus Smith à Pencroff.

— Cela me semble heureux, voilà tout, répondit le marin. Est-ce que vous voyez quelque chose d'extraordinaire à cela, Monsieur Cyrus? Cette bouteille, il fallait bien qu'elle allât quelque part, et pourquoi pas ici aussi bien qu'ailleurs?

— Vous avez peut-être raison, Pencroff, répondit l'ingénieur, et cependant...

— Mais, fit observer Harbert, rien ne prouve que cette bouteille flotte depuis longtemps sur la mer?

— Rien, répondit Gédéon Spilett, et même le document paraît avoir été récemment écrit. Qu'en pensez-vous, Cyrus?

— Cela est difficile à vérifier, et, d'ailleurs, nous le saurons!» répondit Cyrus Smith.

Pendant cette conversation, Pencroff n'était pas resté inactif. Il avait viré de bord, et le Bonadventure, grand largue, toutes voiles portant, filait rapidement vers le cap Griffe. Chacun songeait à ce naufragé de l'île Tabor. Était-il encore temps de le sauver? Grand événement dans la vie des colons!

Eux-mêmes n'étaient que des naufragés, mais il était à craindre qu'un autre n'eût pas été aussi favorisé qu'eux, et leur devoir était de courir au-devant de l'infortune.

Le cap griffe fut doublé, et le Bonadventure vint mouiller vers quatre heures à l'embouchure de la Mercy.

Le soir même, les détails relatifs à la nouvelle expédition étaient réglés. Il parut convenable que Pencroff et Harbert, qui connaissaient la manœuvre d'une embarcation, fussent seuls à entreprendre ce voyage. En partant le lendemain, 11 octobre, ils pourraient arriver le 13 dans la journée, car, avec le vent qui régnait, il ne fallait pas plus de quarante-huit heures pour faire cette traversée de cent cinquante milles. Un jour dans l'île, trois ou quatre jours pour revenir, on pouvait donc compter que, le 17, ils seraient de retour à l'île Lincoln. Le temps était beau, le baromètre remontait sans secousses, le vent semblait bien établi, toutes les chances étaient donc en faveur de ces braves gens, qu'un devoir d'humanité allait entraîner loin de leur île.

Ainsi donc, il avait été convenu que Cyrus Smith, Nab et Gédéon Spilett resteraient à Granite-House; mais une réclamation se produisit, et Gédéon Spilett, qui n'oubliait point son métier de reporter du New-York Herald, ayant déclaré qu'il irait à la nage plutôt que de manquer une pareille occasion, il fut admis à prendre part au voyage.

La soirée fut employée à transporter à bord du Bonadventure quelques objets de literie, des ustensiles, des armes, des munitions, une boussole, des vivres pour une huitaine de jours, et, ce chargement ayant été rapidement opéré, les colons remontèrent à Granite-House.

Le lendemain, à cinq heures du matin, les adieux furent faits, non sans une certaine émotion de part et d'autre, et Pencroff, éventant ses voiles, se dirigea vers le cap griffe, qu'il devait doubler pour prendre directement ensuite la route du sud-ouest.

Le Bonadventure était déjà à un quart de mille de la côte, quand ses passagers aperçurent sur les hauteurs de Granite-House deux hommes qui leur faisaient un signe d'adieu. C'étaient Cyrus Smith et Nab.

«Nos amis! s'écria Gédéon Spilett. Voilà notre première séparation depuis quinze mois!...»

Pencroff, le reporter et Harbert firent un dernier signe d'adieu, et Granite-House disparut bientôt derrière les hautes roches du cap.

Pendant les premières heures de la journée, le Bonadventure resta constamment en vue de la côte méridionale de l'île Lincoln, qui n'apparut bientôt plus que sous la forme d'une corbeille verte, de laquelle émergeait le mont Franklin. Les hauteurs, amoindries par l'éloignement, lui donnaient une apparence peu faite pour attirer les navires sur ses atterrages.

Le promontoire du reptile fut dépassé vers une heure, mais à dix milles au large. De cette distance, il n'était plus possible de rien distinguer de la côte occidentale qui s'étendait jusqu'aux croupes du mont Franklin, et, trois heures après, tout ce qui était l'île Lincoln avait disparu au-dessous de l'horizon.

Le Bonadventure se conduisait parfaitement. Il s'élevait facilement à la lame et faisait une route rapide. Pencroff avait gréé sa voile de flèche, et, ayant tout dessus, il marchait suivant une direction rectiligne, relevée à la boussole. De temps en temps, Harbert le relayait au gouvernail, et la main du jeune garçon était si sûre, que le marin n'avait pas une embardée à lui reprocher.

Gédéon Spilett causait avec l'un, avec l'autre, et, au besoin, il mettait la main à la manœuvre. Le capitaine Pencroff était absolument satisfait de son équipage, et ne parlait rien moins que de le gratifier «d'un quart de vin par bordée»! au soir, le croissant de la lune, qui ne devait être dans son premier quartier que le 16, se dessina dans le crépuscule solaire et s'éteignit bientôt. La nuit fut sombre, mais très étoilée, et une belle journée s'annonçait encore pour le lendemain.

Pencroff, par prudence, amena la voile de flèche, ne voulant point s'exposer à être surpris par quelque excès de brise avec de la toile en tête de mât. C'était peut-être trop de précaution pour une nuit si calme, mais Pencroff était un marin prudent, et on n'aurait pu le blâmer.

Le reporter dormit une partie de la nuit. Pencroff et Harbert se relayèrent de deux heures en deux heures au gouvernail. Le marin se fiait à Harbert comme à lui-même, et sa confiance était justifiée par le sang-froid et la raison du jeune garçon. Pencroff lui donnait la route comme un commandant à son timonier, et Harbert ne laissait pas le Bonadventure dévier d’une ligne.

La nuit se passa bien, et la journée du 12 octobre s’écoula dans les mêmes conditions. La direction au sud-ouest fut strictement maintenue pendant toute cette journée, et si le Bonadventure ne subissait pas quelque courant inconnu, il devait terrir juste sur l'île Tabor.

Quant à cette mer que l'embarcation parcourait alors, elle était absolument déserte. Parfois, quelque grand oiseau, albatros ou frégate, passait à portée de fusil, et Gédéon Spilett se demandait si ce n'était pas à l'un de ces puissants volateurs qu'il avait confié sa dernière chronique adressée au New-York Herald. Ces oiseaux étaient les seuls êtres qui parussent fréquenter cette partie de l'océan comprise entre l'île Tabor et l'île Lincoln.

«Et cependant, fit observer Harbert, nous sommes à l'époque où les baleiniers se dirigent ordinairement vers la partie méridionale du Pacifique. En vérité, je ne crois pas qu'il y ait une mer plus abandonnée que celle-ci!

— Elle n'est point si déserte que cela! répondit Pencroff.

— Comment l'entendez-vous? demanda le reporter.

— Mais puisque nous y sommes! Est-ce que vous prenez notre bateau pour une épave et nos personnes pour des marsouins?»

Et Pencroff de rire de sa plaisanterie. Au soir, d'après l'estime, on pouvait penser que le Bonadventure avait franchi une distance de cent vingt milles depuis son départ de l'île Lincoln, c'est-à-dire depuis trente-six heures, ce qui donnait une vitesse de trois milles un tiers à l'heure. La brise était faible et tendait à calmir. Toutefois, on pouvait espérer que le lendemain, au point du jour, si l'estime était juste et si la direction avait été bonne, on aurait connaissance de l'île Tabor. Aussi, ni Gédéon Spilett, ni Harbert, ni Pencroff ne dormirent pendant cette nuit du 12 au 13 octobre. Dans l'attente du lendemain, ils ne pouvaient se défendre d'une vive émotion. Il y avait tant d'incertitudes dans l'entreprise qu'ils avaient tentée! Étaient-ils proche de l'île Tabor? L'île était-elle encore habitée par ce naufragé au secours duquel ils se portaient? Quel était cet homme? Sa présence n'apporterait-elle pas quelque trouble dans la petite colonie, si unie jusqu'alors?

Consentirait-il, d'ailleurs, à échanger sa prison pour une autre? Toutes ces questions, qui allaient sans doute être résolues le lendemain, les tenaient en éveil, et, aux premières nuances du jour, ils fixèrent successivement leurs regards sur tous les points de l'horizon de l'ouest.

«Terre!» cria Pencroff vers six heures du matin.

Et comme il était inadmissible que Pencroff se fût trompé, il était évident que la terre était là. Que l'on juge de la joie du petit équipage du Bonadventure! avant quelques heures, il serait sur le littoral de l'île!

L'île Tabor, sorte de côte basse, à peine émergée des flots, n'était pas éloignée de plus de quinze milles. Le cap du Bonadventure, qui était un peu dans le sud de l'île, fut mis directement dessus, et, à mesure que le soleil montait dans l'est, quelques sommets se détachèrent çà et là.

«Ce n'est qu'un îlot beaucoup moins important que l'île Lincoln, fit observer Harbert, et probablement dû comme elle à quelque soulèvement sous-marin.»

À onze heures du matin, le Bonadventure n'en était plus qu'à deux milles, et Pencroff, cherchant une passe pour atterrir, ne marchait plus qu'avec une extrême prudence sur ces eaux inconnues.

On embrassait alors dans tout son ensemble l'îlot,

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