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Read books online » Fiction » Vingt Mille Lieues Sous Les Mers — Part 2 by Jules Verne (love letters to the dead txt) 📖

Book online «Vingt Mille Lieues Sous Les Mers — Part 2 by Jules Verne (love letters to the dead txt) 📖». Author Jules Verne



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Rhin, de la Loire, de l'Oder, et se nourrissent de harengs, de maquereaux, de saumons et de gades ; bien qu'ils appartiennent � la classe des cartilagineux, ils sont d�licats ; on les mange frais, s�ch�s, marin�s ou sal�s, et, autrefois, on les portait triomphalement sur la table des Lucullus. Mais de ces divers habitants de la M�diterran�e, ceux que je pus observer le plus utilement, lorsque le _Nautilus_ se rapprochait de la surface, appartenaient au soixante-troisi�me genre des poissons osseux. C'�taient des scombres-thons, au dos bleu-noir, au ventre cuiras d'argent, et dont les rayons dorsaux jettent des lueurs d'or. Ils ont la r�putation de suivre la marche des navires dont ils recherchent l'ombre fra�che sous les feux du ciel tropical, et ils ne la d�mentirent pas en accompagnant le Nautilus comme ils accompagn�rent autrefois les vaisseaux de Lap�rouse. Pendant de longues heures, ils lutt�rent de vitesse avec notre appareil. Je ne pouvais me lasser d'admirer ces animaux v�ritablement taill�s pour la course, leur t�te petite, leur corps lisse et fusiforme qui chez quelques-uns d�passait trois m�tres, leurs pectorales dou�es d'une remarquable vigueur et leurs caudales fourchues. Ils nageaient en triangle, comme certaines troupes d'oiseaux dont ils �galaient la rapidit�, ce qui faisait dire aux anciens que la g�om�trie et la strat�gie leur �taient famili�res. Et cependant ils n'�chappent point aux poursuites des Proven�aux, qui les estiment comme les estimaient les habitants de la Propontide et de l'Italie, et c'est en aveugles, en �tourdis, que ces pr�cieux animaux vont se jeter et p�rir par milliers dans les madragues marseillaises.

Je citerai, pour mémoire seulement, ceux des poissons méditerranéens que Conseil ou moi nous ne fîmes qu'entrevoir. C'étaient des gymontes-fierasfers blanchâtres qui passaient comme d'insaisissables vapeurs, des murènes-congres, serpents de trois à quatre mètres enjolivés de vert, de bleu et de jaune, des gades-merlus, longs de trois pieds, dont le foie formait un morceau délicat, des coepoles-ténias qui flottaient comme de fines algues, des trygles que les poètes appellent poissons-lyres et les marins poissons-siffleurs, et dont le museau est orné de deux lames triangulaires et dentelées qui figurent l'instrument du vieil Homère, des trygles-hirondelles, nageant avec la rapidité de l'oiseau dont ils ont pris le nom, des holocentres-mérons, à tête rouge, dont la nageoire dorsale est garnie de filaments, des aloses agrémentées de taches noires, grises, brunes, bleues, jaunes, vertes, qui sont sensibles à la voix argentine des clochettes, et de splendides turbots, ces faisans de la mer, sortes de losanges à nageoires jaunâtres, pointillés de brun, et dont le coté supérieur, le côté gauche, est généralement marbré de brun et de jaune, enfin des troupes d'admirables mulles rougets, véritables paradisiers de l'Océan, que les Romains payaient jusqu'à dix mille sesterces la pièce, et qu'ils faisaient mourir sur leur table, pour suivre d'un oeil cruel leurs changements de couleurs depuis le rouge cinabre de la vie jusqu'au blanc pâle de la mort.

Et si je ne pus observer ni miralets, ni balistes, ni tétrodons, ni hippocampes, ni jouans, ni centrisques, ni blennies, ni surmulets, ni labres, ni éperlans, ni exocets, ni anchois, ni pagels, ni bogues, ni orphes, ni tous ces principaux représentants de l'ordre des pleuronectes, les limandes, les flez, les plies, les soles, les carrelets, communs à l'Atlantique et à la Méditerranée, il faut en accuser la vertigineuse vitesse qui emportait le Nautilus à travers ces eaux opulentes.

Quant aux mammifères marins, je crois avoir reconnu en passant à l'ouvert de l'Adriatique, deux ou trois cachalots, munis d'une nageoire dorsale du genre des physétères, quelques dauphins du genre des globicéphales, spéciaux à la Méditerranée et dont la partie antérieure de la tête est zébrée de petites lignes claires, et aussi une douzaine de phoques au ventre blanc, au pelage noir, connus sous le nom de moines et qui ont absolument l'air de Dominicains longs de trois mètres.

Pour sa part, Conseil croit avoir aperçu une tortue large de six pieds, ornée de trois arêtes saillantes dirigées longitudinalement. Je regrettai de ne pas avoir vu ce reptile, car, à la description que m'en fit Conseil, je crus reconnaître le luth qui forme une espèce assez rare. Je ne remarquai, pour mon compte, que quelques cacouannes a carapace allongée.

Quant aux zoophytes, je pus admirer, pendant quelques instants, une admirable galĂ©olaire orangĂ©e qui s'accrocha Ă  la vitre du panneau de bâbord ; c'Ă©tait un long filament tĂ©nu, s'arborisant en branches infinies et terminĂ©es par la plus fine dentelle qu'eussent jamais filĂ©e les rivales d'ArachnĂ©. Je ne pus, malheureusement, pĂŞcher cet admirable Ă©chantillon, et aucun autre zoophyte mĂ©diterranĂ©en ne se fĂ»t sans doute offert Ă  mes regards, si le Nautilus, dans la soirĂ©e du 16, n'eĂ»t singulièrement ralenti sa vitesse. Voici dans quelles circonstances.

Nous passions alors entre la Sicile et la côte de Tunis. Dans cet espace resserré entre le cap Bon et le détroit de Messine, le fond de la mer remonte presque subitement. Là s'est formée une véritable crête sur laquelle il ne reste que dix-sept mètres d'eau, tandis que de chaque côté la profondeur est de cent soixante-dix mètres. Le Nautilus dut donc manoeuvrer prudemment afin de ne pas se heurter contre cette barrière sous-marine.

Je montrai à Conseil, sur la carte de la Méditerranée, l'emplacement qu'occupait ce long récif.

« Mais, n'en dĂ©plaise Ă  monsieur, fit observer Conseil, c'est comme un isthme vĂ©ritable qui rĂ©unit l'Europe Ă  l'Afrique.

— Oui, mon garçon, répondis-je, il barre en entier le détroit de Libye, et les sondages de Smith ont prouvé que les continents étaient autrefois réunis entre le cap Boco et le cap Furina.

— Je le crois volontiers, dit Conseil.

— J'ajouterai, repris-je, qu'une barrière semblable existe entre Gibraltar et Ceuta, qui, aux temps géologiques, fermait complètement la Méditerranée.

— Eh ! fit Conseil, si quelque poussĂ©e volcanique relevait un jour ces deux barrières au-dessus des flots !

— Ce n'est guère probable, Conseil.

— Enfin, que monsieur me permette d'achever, si ce phĂ©nomène se produisait, ce serait fâcheux pour monsieur de Lesseps, qui se donne tant de mal pour percer son isthme !

— J'en conviens, mais, je te le répète, Conseil, ce phénomène ne se produira pas. La violence des forces souterraines va toujours diminuant. Les volcans, si nombreux aux premiers jours du monde, s'éteignent peu à peu, la chaleur interne s'affaiblit, la température des couches inférieures du globe baisse d'une quantité appréciable par siècle, et au détriment de notre globe, car cette chaleur, c'est sa vie.

— Cependant, le soleil...

— Le soleil est insuffisant, Conseil. Peut-il rendre la chaleur Ă  un cadavre ?

— Non, que je sache.

— Eh bien, mon ami, la terre sera un jour ce cadavre refroidi. Elle deviendra inhabitable et sera inhabitée comme la lune, qui depuis longtemps a perdu sa chaleur vitale.

— Dans combien de siècles ? demanda Conseil.

— Dans quelques centaines de mille ans, mon garçon.

— Alors, rĂ©pondit Conseil, nous avons le temps d'achever notre voyage, si toutefois Ned Land ne s'en mĂŞle pas ! Â»

Et Conseil, rassuré, se remit à étudier le haut-fond que le Nautilus rasait de près avec une vitesse modérée.

Là, sous un sol rocheux et volcanique, s'épanouissait toute une flore vivante, des éponges, des holoturies, des cydippes hyalines ornées de cyrrhes rougeâtres et qui émettaient une légère phosphorescence, des beroës, vulgairement connus sous le nom de concombres de mer et baignés dans les miroitements d'un spectre solaire, des comatules ambulantes, larges d'un mètre, et dont la pourpre rougissait les eaux, des euryales arborescentes de la plus grande beauté, des pavonacées à longues tiges, un grand nombre d'oursins comestibles d'espèces variées, et des actinies vertes au tronc grisâtre, au disque brun, qui se perdaient dans leur chevelure olivâtre de tentacules.

Conseil s'était occupé plus particulièrement d'observer les mollusques et les articulés, et bien que la nomenclature en soit un peu aride, je ne veux pas faire tort à ce brave garçon en omettant ses observations personnelles.

Dans l'embranchement des mollusques, il cite de nombreux pétoncles pectiniformes, des spondyles pieds-d'âne qui s'entassaient les uns sur les autres, des donaces triangulaires, des hyalles tridentées, à nageoires jaunes et à coquilles transparentes, des pleurobranches orangés, des oeufs pointillés ou semés de points verdâtres, des aplysies connues aussi sous le nom de lièvres de mer, des dolabelles, des acères charnus, des ombrelles spéciales à la Méditerranée, des oreilles de mer dont la coquille produit une nacre très recherchée, des pétoncles flammulés, des anomies que les Languedociens, dit-on, préfèrent aux huîtres, des clovis si chers aux Marseillais, des praires doubles, blanches et grasses, quelques-uns de ces clams qui abondent sur les côtes de l'Amérique du Nord et dont il se fait un débit si considérable à New York, des peignes operculaires de couleurs variées, des lithodonces enfoncées dans leurs trous et dont je goûtais fort le goût poivré, des vénéricardes sillonnées dont la coquille à sommet bombé présentait des côtes saillantes, des cynthies hérissées de tubercules écarlates, des carniaires à pointe recourbées et semblables à de légères gondoles, des féroles couronnées, des atlantes à coquilles spiraliformes, des thétys grises, tachetées de blanc et recouvertes de leur mantille frangée, des éolides semblables à de petites limaces, des cavolines rampant sur le dos, des auricules et entre autres l'auricule myosotis, à coquille ovale, des scalaires fauves, des littorines, des janthures, des cinéraires, des pétricoles, des lamellaires, des cabochons, des pandores, etc.

Quant aux articulés, Conseil les a, sur ses notes, très justement divisés en six classes, dont trois appartiennent au monde marin. Ce sont les classes des crustacés, des cirrhopodes et des annélides.

Les crustacĂ©s se subdivisent en neuf ordres, et le premier de ces ordres comprend les dĂ©capodes, c'est-Ă -dire les animaux dont la tĂŞte et le thorax sont le plus gĂ©nĂ©ralement soudĂ©s entre eux, dont l'appareil buccal est composĂ© de plusieurs paires de membres, et qui possèdent quatre, cinq ou six paires de pattes thoraciques ou ambulatoires. Conseil avait suivi la mĂ©thode de notre maĂ®tre Milne Edwards, qui fait trois sections des dĂ©capodes : les brachyoures, les macroures et les anomoures. Ces noms sont lĂ©gèrement barbares, mais ils sont justes et prĂ©cis. Parmi les macroures, Conseil cite des amathies dont le front est armĂ© de deux grandes pointes divergentes, l'inachus scorpion, qui — je ne sais pourquoi — symbolisait la sagesse chez les Grecs, des lambres-massĂ©na, des lambres-spinimanes, probablement Ă©garĂ©s sur ce haut-fond, car d'ordinaire ils vivent Ă  de grandes profondeurs, des xhantes, des pilumnes, des rhomboldes, des calappiens granuleux — très faciles Ă  digĂ©rer, fait observer Conseil — des corystes Ă©dentĂ©s, des Ă©balies, des cymopolies, des dorripes laineuses, etc. Parmi les macroures, subdivisĂ©s en cinq familles, les cuirassĂ©s, les fouisseurs, les astaciens, les salicoques et les ochyzopodes, il cite des langoustes communes, dont la chair est si estimĂ©e chez les femelles, des scyllares-ours ou cigales de mer, des gĂ©bies riveraines, et toutes sortes d'espèces comestibles, mais il ne dit rien de la subdivision des astaciens qui comprend les homards, car les langoustes sont les seuls homards de la MĂ©diterranĂ©e. Enfin, parmi les anomoures, il vit des drocines communes, abritĂ©es derrière cette coquille abandonnĂ©e dont elles s'emparent, des homoles Ă  front Ă©pineux, des bernard-l'ermite, des porcellanes, etc.

Là s'arrêtait le travail de Conseil. Le temps lui avait manqué pour compléter la classe des crustacés par l'examen des stomapodes, des amphipodes, des homopodes, des isopodes, des trilobites, des branchiapodes, des ostracodes et des entomostracées. Et pour terminer l'étude des articulés marins, il aurait dû citer la classe des cyrrhopodes qui renferme les cyclopes, les argules, et la classe des annélides qu'il n'eût pas manqué de diviser en tubicoles et en dorsibranches. Mais le Nautilus, ayant dépassé le haut-fond du détroit de Libye, reprit dans les eaux plus profondes sa vitesse accoutumée. Dès lors plus de mollusques, plus d'articulés, plus de zoophytes. A peine quelques gros poissons qui passaient comme des ombres.

Pendant la nuit du 16 au 17 février, nous étions entrés dans ce second bassin méditerranéen, dont les plus grandes profondeurs se trouvent par trois mille mètres. Le Nautilus, sous l'impulsion de son hélice, glissant sur ses plans inclinés, s'enfonça jusqu'aux dernières couches de la mer.

Là, à défaut des merveilles naturelles, la masse des eaux offrit à mes regards bien des scènes émouvantes et terribles. En effet, nous traversions alors toute cette partie de la Méditerranée si féconde en sinistres. De la côte algérienne aux rivages de la Provence, que de navires ont fait naufrage, que de bâtiments ont

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