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Read books online » Fiction » Vingt Mille Lieues Sous Les Mers — Part 1 by Jules Verne (psychology books to read .txt) 📖

Book online «Vingt Mille Lieues Sous Les Mers — Part 1 by Jules Verne (psychology books to read .txt) 📖». Author Jules Verne



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dirigeai vers l'escalier central, et je montai sur la plate-forme.

Il Ă©tait six heures. Je trouvai le temps couvert, la mer grise, mais calme. A peine de houle. Le capitaine Nemo, que j'espĂ©rais rencontrer lĂ , viendrait-il ? Je n'aperçus que le timonier, emprisonnĂ© dans sa cage de verre. Assis sur la saillie produite par la coque du canot, j'aspirai avec dĂ©lices les Ă©manations salines.

Peu Ă  peu, la brume se dissipa sous l'action des rayons solaires. L'astre radieux dĂ©bordait de l'horizon oriental. La mer s'enflamma sous son regard comme une traĂ®nĂ©e de poudre. Les nuages, Ă©parpillĂ©s dans les hauteurs, se colorèrent de tons vifs admirablement nuancĂ©s, et de nombreuses « langues de chat Â» annoncèrent du vent pour toute la journĂ©e.

Mais que faisait le vent Ă  ce Nautilus que les tempĂŞtes ne pouvaient effrayer !

J'admirai donc ce joyeux lever de soleil, si gai, si vivifiant, lorsque j'entendis quelqu'un monter vers la plate-forme.

Je me prĂ©parais Ă  saluer le capitaine Nemo, mais ce fut son second - que j'avais dĂ©jĂ  vu pendant la première visite du capitaine - qui apparut. Il s'avança sur la plate-forme, et ne sembla pas s'apercevoir de ma prĂ©sence. Sa puissante lunette aux yeux, il scruta tous les points de l'horizon avec une attention extrĂŞme. Puis, cet examen fait, il s'approcha du panneau, et prononça une phrase dont voici exactement les termes. Je l'ai retenue, car, chaque matin, elle se reproduisit dans des conditions identiques. Elle Ă©tait ainsi conçue :

« Nautron respoc lorni virch. Â»

Ce qu'elle signifiait, je ne saurais le dire.

Ces mots prononcés, le second redescendit. Je pensai que le Nautilus allait reprendre sa navigation sous-marine. Je regagnai donc le panneau, et par les coursives je revins à ma chambre.

Cinq jours s'écoulèrent ainsi, sans que la situation se modifiât. Chaque matin, je montais sur la plate-forme. La même phrase était prononcée par le même individu. Le capitaine Nemo ne paraissait pas.

J'avais pris mon parti de ne plus le voir, quand, le 16 novembre, rentré dans ma chambre avec Ned et Conseil, je trouvai sur la table un billet à mon adresse.

Je l'ouvris d'une main impatiente. Il Ă©tait Ă©crit d'une Ă©criture franche et nette, mais un peu gothique et qui rappelait les types allemands.

Ce billet Ă©tait libellĂ© en ces termes :

Monsieur le professeur Aronnax, Ă  bord du Nautilus.

16 novembre 1867.

Le capitaine Nemo invite monsieur le professeur Aronnax à une partie de chasse qui aura lieu demain matin dans ses forêts de l'île Crespo. Il espère que rien n'empêchera monsieur le professeur d'y assister, et il verra avec plaisir que ses compagnons se joignent à lui.

Le commandant du Nautilus,
Capitaine NEMO. Â»

« Une chasse ! s'Ă©cria Ned.

— Et dans ses forĂŞts de l'Ă®le Crespo ! ajouta Conseil.

— Mais il va donc Ă  terre, ce particulier-lĂ  ? reprit Ned Land.

— Cela me paraît clairement indiqué, dis-je en relisant la lettre.

— Eh bien ! il faut accepter, rĂ©pliqua le Canadien. Une fois sur la terre ferme, nous aviserons Ă  prendre un parti. D'ailleurs, je ne serai pas fâchĂ© de manger quelques morceaux de venaison fraĂ®che. Â»

Sans chercher Ă  concilier ce qu'il y avait de contradictoire entre l'horreur manifeste du capitaine Nemo pour les continents et les Ă®les, et son invitation de chasser en forĂŞt, je me contentai de rĂ©pondre :

« Voyons d'abord ce que c'est que l'Ă®le Crespo. Â»

Je consultai le planisphère, et, par 32°40' de latitude nord et 167°50' de longitude ouest, je trouvai un Ă®lot qui fut reconnu en 1801 par le capitaine Crespo, et que les anciennes cartes espagnoles nommaient Rocca de la Plata, c'est-Ă -dire « Roche d'Argent Â». Nous Ă©tions donc Ă  dix-huit cents milles environ de notre point de dĂ©part, et la direction un peu modifiĂ©e du Nautilus le ramenait vers le sud-est.

Je montrai Ă  mes compagnons ce petit roc perdu au milieu du Pacifique nord.

« Si le capitaine Nemo va quelquefois Ă  terre, leur dis-je, il choisit du moins des Ă®les absolument dĂ©sertes ! Â»

Ned Land hocha la tête sans répondre, puis Conseil et lui me quittèrent. Après un souper qui me fut servi par le stewart muet et impassible, je m'endormis, non sans quelque préoccupation.

Le lendemain, 17 novembre, à mon réveil, je sentis que le Nautilus était absolument immobile. Je m'habillai lestement, et j'entrai dans le grand salon.

Le capitaine Nemo Ă©tait lĂ . Il m'attendait, se leva, salua, et me demanda s'il me convenait de l'accompagner.

Comme il ne fit aucune allusion à son absence pendant ces huit jours, je m'abstins de lui en parler, et je répondis simplement que mes compagnons et moi nous étions prêts à le suivre.

« Seulement, monsieur, ajoutai-je, je me permettrai de vous adresser une question.

— Adressez, monsieur Aronnax, et, si je puis y répondre, j'y répondrai.

— Eh bien, capitaine, comment se fait-il que vous, qui avez rompu toute relation avec la terre, vous possĂ©diez des forĂŞts dans l'Ă®le Crespo ?

— Monsieur le professeur, me répondit le capitaine, les forêts que je possède ne demandent au soleil ni sa lumière ni sa chaleur. Ni les lions, ni les tigres, ni les panthères, ni aucun quadrupède ne les fréquentent. Elles ne sont connues que de moi seul. Elles ne poussent que pour moi seul. Ce ne sont point des forêts terrestres, mais bien des forêts sous-marines.

— Des forĂŞts sous-marines ! m'Ă©criai-je.

— Oui, monsieur le professeur.

— Et vous m'offrez de m'y conduire ?

— Précisément.

— A pied ?

— Et même à pied sec.

— En chassant ?

— En chassant.

— Le fusil Ă  la main ?

— Le fusil Ă  la main. Â»

Je regardai le commandant du Nautilus d'un air qui n'avait rien de flatteur pour sa personne.

« DĂ©cidĂ©ment, il a le cerveau malade, pensai-je. Il a eu un accès qui a dure huit jours, et mĂŞme qui dure encore. C'est dommage ! Je l'aimais mieux Ă©trange que fou ! Â»

Cette pensée se lisait clairement sur mon visage, mais le capitaine Nemo se contenta de m'inviter à le suivre, et je le suivis en homme résigné à tout.

Nous arrivâmes dans la salle à manger, où le déjeuner se trouvait servi.

« Monsieur Aronnax, me dit le capitaine, je vous prierai de partager mon dĂ©jeuner sans façon. Nous causerons en mangeant. Mais, si je vous ai promis une promenade en forĂŞt, je ne me suis point engagĂ© Ă  vous y faire rencontrer un restaurant. DĂ©jeunez donc en homme qui ne dĂ®nera probablement que fort tard. Â»

Je fis honneur au repas. Il se composait de divers poissons et de tranches d'holoturies, excellents zoophytes, relevĂ©s d'algues très apĂ©ritives, telles que la Porphyria laciniata et la Laurentia primafetida. La boisson se composait d'eau limpide Ă  laquelle, Ă  l'exemple du capitaine, j'ajoutai quelques gouttes d'une liqueur fermentĂ©e, extraite, suivant la mode kamchatkienne, de l'algue connue sous le nom de « RhodomĂ©nie palmĂ©e Â».

Le capitaine Nemo mangea, d'abord, sans prononcer une seule parole. Puis, il me dit :

« Monsieur le professeur, quand je vous ai proposĂ© de venir chasser dans mes forĂŞts de Crespo, vous m'avez cru en contradiction avec moi-mĂŞme. Quand je vous ai appris qu'il s'agissait de forĂŞts sous-marines, vous m'avez cru fou. Monsieur le professeur, il ne faut jamais juger les hommes Ă  la lĂ©gère.

— Mais, capitaine, croyez que...

— Veuillez m'écouter, et vous verrez si vous devez m'accuser de folie ou de contradiction.

— Je vous écoute.

— Monsieur le professeur, vous le savez aussi bien que moi, l'homme peut vivre sous l'eau à la condition d'emporter avec lui sa provision d'air respirable. Dans les travaux sous-marins, l'ouvrier, revêtu d'un vêtement imperméable et la tête emprisonnée dans une capsule de métal, reçoit l'air de l'extérieur au moyen de pompes foulantes et de régulateurs d'écoulement.

— C'est l'appareil des scaphandres, dis-je.

— En effet, mais dans ces conditions, l'homme n'est pas libre. Il est rattache à la pompe qui lui envoie l'air par un tuyau de caoutchouc, véritable chaîne qui le rive à la terre, et si nous devions être ainsi retenus au Nautilus, nous ne pourrions aller loin.

— Et le moyen d'ĂŞtre libre ? demandai-je.

— C'est d'employer l'appareil Rouquayrol-Denayrouze, imaginĂ© par deux de vos compatriotes, mais que j'ai perfectionnĂ© pour mon usage, et qui vous permettra de vous risquer dans ces nouvelles conditions physiologiques, sans que vos organes en souffrent aucunement. Il se compose d'un rĂ©servoir en tĂ´le Ă©paisse, dans lequel j'emmagasine l'air sous une pression de cinquante atmosphères. Ce rĂ©servoir se fixe sur le dos au moyen de bretelles, comme un sac de soldat. Sa partie supĂ©rieure forme une boĂ®te d'oĂą l'air, maintenu par un mĂ©canisme Ă  soufflet, ne peut s'Ă©chapper qu'Ă  sa tension normale. Dans l'appareil Rouquayrol, tel qu'il est employĂ©, deux tuyaux en caoutchouc, partant de cette boĂ®te, viennent aboutir Ă  une sorte de pavillon qui emprisonne le nez et la bouche de l'opĂ©rateur ; l'un sert Ă  l'introduction de l'air inspirĂ©, l'autre Ă  l'issue de l'air expirĂ©, et la langue ferme celui-ci ou celui-lĂ , suivant les besoins de la respiration. Mais, moi qui affronte des pressions considĂ©rables au fond des mers, j'ai dĂ» enfermer ma tĂŞte, comme celle des scaphandres, dans une sphère de cuivre, et c'est Ă  cette sphère qu'aboutissent les deux tuyaux inspirateurs et expirateurs.

— Parfaitement, capitaine Nemo, mais l'air que vous emportez doit s'user vite, et dès qu'il ne contient plus que quinze pour cent d'oxygène, il devient irrespirable.

Sans doute, mais je vous l'ai dit, monsieur Aronnax, les pompes du Nautilus me permettent de l'emmagasiner sous une pression considérable, et, dans ces conditions, le réservoir de l'appareil peut fournir de l'air respirable pendant neuf ou dix heures.

— Je n'ai plus d'objection Ă  faire, rĂ©pondis-je. Je vous demanderai seulement, capitaine, comment vous pouvez Ă©clairer votre route au fond de l'OcĂ©an ?

— Avec l'appareil Ruhmkorff, monsieur Aronnax. Si le premier se porte sur le dos, le second s'attache à la ceinture. Il se compose d'une pile de Bunzen que je mets en activité, non avec du bichromate de potasse, mais avec du sodium. Une bobine d'induction recueille l'électricité produite, et la dirige vers une lanterne d'une disposition particulière. Dans cette lanterne se trouve un serpentin de verre qui contient seulement un résidu de gaz carbonique. Quand l'appareil fonctionne, ce gaz devient lumineux, en donnant une lumière blanchâtre et continue. Ainsi pourvu, je respire et je vois.

— Capitaine Nemo, à toutes mes objections vous faites de si écrasantes réponses que je n'ose plus douter. Cependant, si je suis bien forcé d'admettre les appareils Rouquayrol et Ruhmkorff, je demande à faire des réserves pour le fusil dont vous voulez m'armer.

— Mais ce n'est point un fusil à poudre, répondit le capitaine.

— C'est donc un fusil Ă  vent ?

— Sans doute. Comment voulez-vous que je fabrique de la poudre Ă  mon bord, n'ayant ni salpĂŞtre, ni soufre ni charbon ?

— D'ailleurs, dis-je, pour tirer sous l'eau, dans un milieu huit cent cinquante-cinq fois plus dense que l'air il faudrait vaincre une résistance considérable.

— Ce ne serait pas une raison. Il existe certains canons, perfectionnés après Fulton par les Anglais Philippe Coles et Burley, par le Français Furcy, par l'Italien Landi, qui sont munis d'un système particulier de fermeture, et qui peuvent tirer dans ces conditions. Mais je vous le répète, n'ayant pas de poudre, je l'ai remplacée par de l'air à haute pression, que les pompes du Nautilus me fournissent abondamment.

— Mais cet air doit rapidement s'user.

— Eh bien, n'ai-je pas mon réservoir Rouquayrol, qui peut, au besoin, m'en fournir. Il suffit pour cela d'un robinet ad hoc. D'ailleurs, monsieur Aronnax, vous verrez par vous-même que, pendant ces chasses sous-marines, on ne fait pas grande dépense d'air ni de balles.

— Cependant, il me semble que dans cette demi-obscuritĂ©, et au milieu de ce liquide très dense par rapport Ă  l'atmosphère, les coups ne peuvent porter loin et sont difficilement mortels ?

— Monsieur, avec ce fusil tous les coups sont mortels, au contraire, et dès qu'un animal est touché, si légèrement que ce soit, il tombe foudroyé.

— Pourquoi ?

— Parce que ce ne sont pas des balles ordinaires que ce fusil lance, mais de petites capsules de verre - inventées par le chimiste autrichien Leniebroek - et dont j'ai un approvisionnement considérable. Ces capsules de verre, recouvertes d'une armature d'acier, et alourdies par un culot de plomb, sont de véritables petites bouteilles de Leyde, dans lesquelles l'électricité est forcée à une très haute tension. Au plus léger choc, elles se déchargent, et l'animal, si puissant qu'il soit, tombe mort. J'ajouterai que ces capsules ne sont pas plus grosses que du numéro quatre,

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